Les archers inventent le signe de la victoire

Quand les archers anglais inventèrent le signe de la victoire

Durant la période sombre de la guerre de Cent Ans, trois défaites pèsent d'un poids très lourd sur les malheurs endurés par le royaumeVictory de Françe. Ces trois victoires anglaises ont des caractéristiques communes: ce furent toujours les armées les moins nombreuses qui, à la surprise générale, l'emportèrent; tout en étant les plus disciplinées, elles surent utiliser au mieux les particularités du terrain pour annihiler la supériorité numérique de l'adversaire et exploiter l'extraordinaire force de frappe des piqueurs gallois et des archers anglais. Ce fut donc invariablement la victoire de l'arc sur l'arbalète, de l'arc sur la cavalerie fougueuse, de l'if sur l'acier des lourdes épées et des armures.

ChurchillAprès la destruction d'une partie de la flotte française en Zélande, à l'Ecluse en juin 1340, les chevaliers de Philippe VI auraient dû se méfier de la force de frappe des archers d'Edouard III d'Angleterre. Les deux descendants de saint Louis s'affrontèrent six ans plus tard. Huit à douze mille Anglais s'étaient retranchés à l'est de Crécy, derrière une crête où, d'un moulin à vent, les observateurs pouvaient surveiller les manœuvres des douze mille cavaliers français accompagnés d'un nombre égal d'arbalétriers génois. Un tiers seulement de l'armée anglaise était constitué de cavaliers qui du reste, pour l'occasion, combattirent à pied. Les cavaliers français, sûr de leur avantage et fiers d'en découdre,écartèrent les arbalétriers fantassins pour se ruer sur les anglais. Mais la vallée des Clercs, où ceux-ci avaient choisi de se retrancher, était étroite et marécageuse, de sorte que la cavalerie assaillante ne pus opérer librement. Les lourdes montures, mal assurées sur un sol qui se dérobait, furent des cibles sans défense sous la véritable grêle de flèches qui s'abattit sur elles et sur leurs cavaliers. Tout les chroniqueurs signalent l'activité déterminante des archers qui arrosèrent l'ennemi d'un tir nourri: "ce semblait neige." La défaite fut totale et le royaume de Françe y perdit la fine fleur de sa chevalerie. Il ne s'agissait pas de la victoire de l'arc sur l'arbalète car celle-ci, négligée, fut peu employée,mai de la victoire des archers parfaitement utilisés sur un terrain bien choisi.

Dix ans plus tard, ce fut Poitiers.

Philippe VI était mort et son fils, Jean II le Bon, poursuivait à la tête de quarante mille hommes les huit mille soldats du prince de Galles, le guerrier à l'armure noire qui parcourait l'Aquitaine et ravageait le Languedoc. Le 19 septembre 1356, l'Anglais fit front en pays bocager et disposa ses troupes adossées au bois de Noailles, à l'est des Bordes, près de Poitiers. Il masqua ses archers derrière les haies et dans les chemins creux du bocage. Les charges de l'élite cavalière ne pouvaient se développer de façon efficace sur un tel terrain et elles furent brisées par la pluie de flèches que lâchaient les troupes du Prince Noir. La défaite fut encore plus sévère qu'à Crécy. Le roi de Françe se rendit alors compte que son effectif était le double de celui des vainqueurs. Jean II le Bon passa quatre ans dans le royaume d'outre-Manche et ne fut libéré qu'à la suite du douloureux traité de Brétigny, qui abandonnait Calais au royaume d'Angleterre, ainsi que tout le Sud-Ouest, du Poitou aux Pyrénées et de l'Atlantique à Lauvergne. Une fois de plus l'arc et son bois d'if avaient orienté le cours de l'histoire.

Cependant la bataille qui reste, dans les mémoires et les chroniques, la plus exemplaire de l'efficacité des archers anglais est incontestablement celle d'Azincourt. En 1415. Henri V de Lancastre débarque en Normandie avec une armée forte de vingt mille hommes. Pour lui barrer la route, Charles VI rassemble quarante mille guerriers et surtout douze princes du sang et onze mille des plus valeureux barons et bannerets. Cette belle chevalerie n'a de cesse d'en découdre avec l'Anglais et se bouscule pour occuper les premières lignes lors de l'attaque et s'enorgueillir d'avoir contribué à la victoire. on laisse dédaigneusement de côté archers et arbalétriers qui, piétaille sans renom, n'ont rien à faire en cette journée du 25 octobre, promise à la gloire, réservée à l'élite. Ladite élite se prépare fiévreusement,les chevaux piétinent et piaffent. En face, les archers se disposent en bon ordre, protégés par des pieux taillés en bois d'if, serrés les uns contre les autres, qui forment un rempart aussi solide qu'une muraille. Les troupes ont été concentrées dans une étroite plaine, entre les bois d'Azincourt et ceux de Tramecourt, sur le sol argileux de l'Artois. Il ne leur est pas difficile de mettre en pièces une armée décrite par les chroniques comme "une cohue de chevaliers"fière mais désordonnée. Les flèches meurtrières s'abattent en pluie serrée sur les hommes désemparés qui ne peuvent ni avancer, ni reculer, pressés de l'arrière par des chevaliers impétueux qui ne songent qu'à combattre. Pour mettre le comble à la cohue, les chevaux, à force de piétiner, piaffer et manœuvrer, on fini par transformer le sol en un véritable bourbier: la célèbre boue d'Azincourt est passée à la postérité. Les archers continuent à lâcher leurs flèches ravageuses et, en fin de matinée, l'armée anglaise passe à la contre-attaque. Les daguiers parachèvent la victoire de leurs lames acérées qui se glissent sans rencontrer d'obstacle dans les défauts des armures immobilisées dans la fange.

Crécy, Poitier, Azincourt: trois victoires des archers qui surent manier avec doigté une arme légère, efficace, et dont ils étaient fiers de connaître toute les ressources. Il leur arriva parfois de tomber aux mains de l'ennemi. Pour mettre hors de combat les terribles yeomen,on leur coupait l'index et le majeur de la main droite, les deux doits avec lesquels il tiraient sur la corde pour armer leur arc et retenaient la flèche par son talon. Ainsi étaient-ils mis hors d'état de nuire. De retour en Angleterre, pour bien montrer qu'ils n'avaient pas été faits prisonniers, les archers vainqueurs brandissaient bien haut leur main droite, les deux doits, l'index et le majeur, écartés en forme de V . ils inventèrent ainsi le signe qui annonce à tous la victoire.

"le nom de l'arbre"

l'if de ROBERT BOURDU

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